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La Guerre d'Algérie

14 mars 2012 3 14 /03 /mars /2012 06:52

À la fin de la guerre d’algérie, François Meyer a outrepassé les ordres pour sauver trois cent cinquante harkis. Depuis, il ne cesse de soutenir cette communauté. Portrait d’un homme d’honneur.

François Meyer a relaté son témoignage, recueilli avec d’autres, dans
un superbe livre, “Harkis,
soldats abandonnés” (XO Éditions)

Àquoi ressemble un homme d’honneur ? Au moment où on le rencontre pour la première fois, à Versailles, dans cet appartement classique empli de livres anciens, rien ne le distingue vraiment des autres. Sourire chaleureux, poignée de main franche, le général François Meyer a 78 ans. Non, rien ne le distingue des hommes de sa génération – sinon qu’on lui donnerait une bonne dizaine d’années de moins. Là où affleure un être différent qui redonne leur définition à des mots galvaudés tels que « honneur », « courage » et « morale », c’est au moment où il évoque ce qu’il a vécu de 1958 à 1962, quatre années après le début de la guerre d’algérie. Allons droit à l’essentiel : alors jeune lieutenant, François Meyer a décidé de soutenir les harkis. Et plus admirable encore, il n’a jamais cessé de les aider ensuite, pour leur trouver un logement, un travail ou une formation. Le combat d’une vie.

Le lieutenant François Meyer, du 23e régiment de spahis, entouré de deux maréchaux des logis, en 1960 en Algérie.

Ça a débuté à Saint-cyr, où il choisit la cavalerie - « par éthique et par goût » , explique-t-il. Ensuite, il rejoint Saumur et effectue un stage d’un mois… en Algérie. C’était en août 1957, et jamais ce pays ne le quittera vraiment. Il y retourne en mai 1958 au sein de son régiment de cavalerie montée.

Quand il parle, ce militaire ne tente pas de cacher son émotion. « Vous savez, cela remonte à loin, j’étais un enfant, j’avais 6 ou 7 ans, quand j’ai vécu l’arrivée des Allemands et l’humiliation de la défaite. Mon père était officier et, quand l’état-major s’est replié sur Carcassonne, nous avons été, avec ma famille, sur les routes de l’exode. Nous avons traversé toute la France » , se souvient-t-il. Cet exode et cette humiliation, il n’a pas voulu que ses soldats en Algérie qu’on a qualifiés de « supplétifs » les subissent à leur tour. Il a relaté son témoignage, recueilli avec d’autres, dans un superbe livre : Harkis, soldats abandonnés (XO Éditions).

Dans la préface, l’écrivain et cinéaste Pierre Schoendoerffer, qui a réalisé L’honneur d’un capitaine, narre cette anecdote d’une force rare : alors qu’il travaillait à son film, il rencontra une cinquantaine de harkis et, pour les convaincre de participer au projet, leur lança : « On travaillera ensemble, la main dans la main, je ne vous trahirai pas. » À ces mots, la moitié de l’assistance s’en est allée, dans « un silence glacial » , affirme Schoendoerffer. Aujourd’hui encore, certains termes demeurent sensibles, et le mot « trahison » est gravé dans tous les esprits. C’est pour cela que le général Meyer jouit auprès de la communauté harkie d’un prestige considérable : lui ne les a jamais abandonnés, jamais trahis, au point d’en être devenu l’un de leurs porte-parole officieux. Pas une conférence, pas un débat, pas une pétition sur le sujet où il ne soit appelé à la rescousse. Installé sur son siège, il en sourit, l’oeil vif : « Ça fait cinquante ans que je me bats. Par moments, je dis aux plus jeunes, ce serait bien de prendre la relève ! » Et d’ajouter, toujours avec ce sourire qui ne le quitte jamais : « Et dire que quand je suis arrivé au sein de mon régiment dans le sud de l’algérie, je ne savais même pas ce qu’était un harki… »

On manque de place pour relater tous les moments forts et les souffrances contenus dans cette histoire que la mémoire collective tente d’occulter. Des souvenirs resurgissent comme des uppercuts. Le général Meyer parle de désert, de guet-apens, de cris et de morts. Très vite, sur le terrain, il ressent l’hostilité d’une grande partie de la population algérienne.

«Une obligation morale»

S’il existe une échelle dans les drames, sans doute l’année 1961 a-t-elle été la pire. « Pendant toute l’année 1961, nous avons connu la détérioration psychologique, l’angoisse naissante, la lassitude du général de Gaulle. On voyait bien l’inutilité de l’armée qui livrait bataille. On continuait pourtant de combattre… » , raconte-t-il dans Harkis, soldats abandonnés.

Il dit, avec pudeur, à propos de ces « événements » : « Dans cette guerre, je ne voyais rien de noble qui méritât qu’on y risque sa vie. » Et pourtant, il devra la risquer à de multiples reprises. Peut-être cet attachement pour les harkis provient-il du fait qu’à plusieurs reprises il leur doit son salut, certains n’hésitant pas à s’exposer à sa place alors qu’il était sous le feu de l’adversaire. Peut-être, aussi, qu’une guerre renforce les liens de la fraternité d’armes…

La fin de la guerre déclarée, François Meyer a continué son combat pour les harkis, sachant très bien que pour ces derniers les ennuis commençaient. « Et, pourtant, on m’a explicitement dit “Laissez tomber tout ça”, mais je ne voulais pas abandonner. Une obligation morale » , dit-il, cette fois sans sourire. Les directives officielles (signées Joxe et Messmer) intimaient l’ordre aux officiers de laisser leurs soldats musulmans en Algérie : ils étaient protégés, pensait-on, par les accords d’évian. Meyer préféra passer outre.

Entre juin et juillet 1962, il décide, en désobéissant à sa hiérarchie, de mettre à l’abri trois cent cinquante harkis – des soldats avec femmes et enfants. « J’ai été un peu limite, j’avais un discours et une attitude qui ne collaient pas trop avec les consignes officielles. On me l’a reproché. » Il les installe en métropole, dans une France qui veut tourner la page de la guerre et vivre pleinement ce qu’on n’appelait pas encore les Trente Glorieuses.

Pour cette nouvelle bataille, il obtient l’appui du père de la Morandais : ce dernier aide Meyer sur le plan médiatique (déjà !) en mobilisant la presse pour trouver deux villages qui accueilleraient convenablement les réfugiés. Il fait également le tour des usines et des chantiers pour placer ses compagnons délaissés.

Plus tard, Meyer sera à l’origine d’une pétition en faveur des harkis diffusée dans la revue Les Temps modernes, un tournant. Il sera de tous les combats auprès des présidents de la République, des ministres et des parlementaires pour la reconnaissance par la France de la dette contractée à l’égard de ces soldats. Une question d’honneur. L’honneur, « ce n’est pas une idée, c’est une pratique » , souligne-t-il. Une pratique qui remonte au XVE siècle, explique le général François Meyer : « Il était de tradition, chez les amiraux de Castille, de choisir la mort plutôt que d’abandonner un seul de ses hommes.

 

  • 14 mars 2012
  • Le Figaro
  • MOHAMMED AISSAOUI maissaoui@lefigaro.fr

 

 

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