Par Raphaël Stainville Publié le 08/02/2013 à 17:04
INTERVIEW - Dans un essai personnel et percutant, l'ancienne secrétaire d'Etat de Nicolas Sarkozy s'inquiète de la montée de l'islamisme et de la frilosité des politiques à défendre la laïcité.
Le Figaro Magazine. - En janvier 2011, alors secrétaire d'Etat à la Jeunesse du gouvernement Fillon, vous aviez été la première à réclamer le départ de Moubarak. Que vous inspire aujourd'hui son successeur, le président Mohamed Morsi?
Jeannette Bougrab. - L'horreur. Quand je vois la mainmise des islamistes en Egypte, je suis totalement effondrée. Je pensais que la démocratie était possible, que l'application d'un certain nombre de principes universels comme l'égalité entre les hommes et les femmes, la liberté de penser, la liberté de conscience, y compris l'apostasie qui est interdite en droit musulman, étaient possibles. Mais les Frères musulmans et le mouvement salafiste al-Nour se sont approprié une révolution à laquelle ils n'ont pas pris part.
Faut-il le recevoir comme s'apprêtait à le faire François Hollande?
Non. Je ne vois pas au nom de quoi notre république peut s'abaisser à dérouler le tapis rouge à un dirigeant qui s'apprête à instaurer un Etat islamiste. Je fais bien la distinction entre l'islam et l'islamisme. C'est pour cela que je ne crains pas de dire que l'islamisme est une sorte de fascisme et de totalitarisme. Je ne peux comprendre que la France reçoive ces tyrans. Cela me choque. Je ne me sens pas obligée de faire des compromis avec des gens qui sont l'incarnation de la négation de l'Etat de droit.
En Égypte, comme en Tunisie ou en Libye, le printemps arabe n'a pas donné les fruits que vous escomptiez. Les révolutions arabes ont poussé au pouvoir des partis islamistes. La France a-t-elle fait preuve de naïveté?
Le problème, ce n'est pas la naïveté de la France, c'est le sentiment de culpabilité de ses dirigeants. Pendant des années, la France a soutenu des autocrates, des tyrans qui auraient voulu être des despotes éclairés. Aujourd'hui, en raison de cette culpabilité, elle verse dans une sorte de surenchère à l'égard de ces nouveaux gouvernements islamistes. Le 17 juillet 2012, c'est en grande pompe que le président tunisien Moncef Marzouki était reçu par le chef de l'Etat et le président de l'Assemblée sans, bien évidemment, que les questions qui fâchent ne soient abordées. Je ne peux que le regretter. Personnellement, je ne soutiendrai jamais un parti islamiste. Contrairement à Alain Juppé qui se persuade qu'il faut accompagner ces partis et félicite les dirigeants d'Ennahdha en Tunisie, je refuse d'être de connivence avec des gouvernements qui portent des valeurs iniques. La diplomatie ne sert pas toujours la démocratie. Laurent Fabius ne fait guère mieux aujourd'hui. Il poursuit la même politique. Les ministres changent mais la lâcheté demeure.
Vous étiez favorable à une intervention au Mali. L'intervention française est-elle un succès à mettre au crédit de François Hollande?
Je trouve pour le moins maladroit que le Président se soit précipité au Mali pour savourer la victoire des militaires français. Il faut certes saluer le professionnalisme de nos armées et notamment celui du 2e REP, mais il convient aussi de se garder de tout triomphalisme en matière militaire. Les colonnes de blindés ne suffiront pas à mettre un terme à cette guerre contre le terrorisme islamiste. L'Algérie en sait quelque chose, qui paie encore un lourd tribut à la guerre qu'elle mène depuis le début des années 90 à l'islamisme. Cette guerre contre le terrorisme est d'une nature nouvelle. C'est une guerre à fragmentation.
C'est-à-dire?
C'est simple. Trois jours après l'intervention de la France au Mali, le conflit s'était déporté en Algérie. Tant qu'on n'aura pas asséché les sources de financement de ces mouvements terroristes, ils seront partout à travers le monde. Nous vivons dans un monde globalisé. Le djihad se délocalise, s'exporte, s'importe. Un jour l'Afghanistan, puis le Mali, demain, l'Algérie, la France et l'Europe.
C'est pourquoi, selon vous, il faut se battre en France sur le terrain de la laïcité?
Le combat doit avoir lieu également en France contre l'intégrisme et le fondamentalisme. Il faut arrêter de céder à la première revendication communautaire ou anticiper des revendications qui ne sont même pas demandées. On ne peut tolérer dans notre pays qu'un dessinateur soit protégé par cinq officiers de sécurité pour avoir caricaturé le prophète, qu'un philosophe comme Robert Redeker vive caché sans pouvoir enseigner parce que des fondamentalistes en veulent à sa vie, qu'un petit commerçant d'origine égyptienne se fasse tabasser à Marseille pendant le ramadan. En ne réaffirmant pas avec force nos principes, nous allons de défaite en défaite. Quand le communautarisme triomphe, la république régresse. Nous devons nous montrer intransigeants. A cet égard, je trouve dommage que Jean-François Copé soit allé présenter ses excuses au CFCM (ndlr: après la polémique déclenchée par ses propos sur les «pains au chocolat»).
Le Conseil français du culte musulman n'a-t-il pas un rôle à jouer?
Je n'attends rien du CFCM. Quand on est laïc, on n'a pas à s'immiscer dans l'organisation d'une religion. Pour appliquer le principe de laïcité, il ne faut pas compter sur une organisation plus ou moins représentative des mosquées de France. Je suis très hostile à ces organisations qui viennent nous expliquer comment interpréter l'islam. Le politique n'est pas là pour interpréter l'islam, mais pour appliquer le principe de laïcité. Le principe de laïcité est un principe constitutionnel, pas un principe religieux.
De quoi se meurt la république, selon vous?
La France se meurt de ne plus affirmer ses principes. Voyez ce qui se passe aux Pays-Bas, pays que l'on érige en modèle de société communautariste. Le réalisateur Theo van Gogh est mort assassiné par un islamiste. La députée Ayaan Hirsi Ali a été contrainte à l'exil. Ils sont même parvenus à construire un hôpital «charia compatible» où les hommes sont soignés par les hommes et les femmes par les femmes. Je ne veux pas de ce modèle pour la France. Il existe malheureusement déjà partiellement. Certains territoires de la république sont déjà perdus. Il faut les regagner en n'acceptant plus les revendications communautaires. Lorsque j'ai présidé la Halde, j'ai constaté les ravages du communautarisme et du différentialisme dans l'esprit de gens pétris par une culpabilité postcoloniale. Il faut que cela cesse.
A qui la faute?
La gauche est la première responsable. Elle a été la première à abdiquer. Quand en 1989 Lionel Jospin, alors ministre de l'Education nationale, demande l'avis du Conseil d'Etat, dans le cadre des premières affaires de voile à Creil, il fuit sa responsabilité politique. Je me souviens qu'à l'époque Elisabeth Badinter avait dénoncé l'attitude de Lionel Jospin. On l'avait accusée de faire le jeu du FN. Idem pour Gisèle Halimi, qui avait rendu sa carte de SOS Racisme. Aujourd'hui encore, lorsque vous défendez la laïcité, on vous accuse de faire le jeu de Marine Le Pen. C'est dramatique. La laïcité est un principe constitutionnel. Je n'accepte pas qu'en demandant l'application de la Constitution, on puisse nous accuser de faire le jeu du FN.
D'où vient, chez vous, cet amour désespéré pour la France?
De mon père. Je suis une fille de harki. Mon père s'est battu pour la France en Algérie. Cette histoire particulière fait que chez les Bougrab, la perspective du retour est impossible. Encore aujourd'hui, mon père, même entre quatre planches, ne peut retourner en Algérie. A la maison, on parlait français. On ne faisait pas le ramadan. Cet homme a toujours voué une dévotion à la république. Il incarne plus que n'importe qui d'autre la république. Tout ce que je fais, c'est pour atteindre cet idéal républicain qui n'a probablement jamais existé qu'à travers mon père.
L'UMP a été au pouvoir pendant dix ans. Peut-elle s'exonérer d'un devoir d'inventaire?
Je refuse le droit d'inventaire. Quand on se reconstruit, on regarde devant, pas dans le rétroviseur. J'ai souvent été convoquée à Matignon lorsque j'étais ministre pour m'être exprimée à contretemps. Mais lorsque l'on a des choses à dire, on n'attend pas de ne plus être en responsabilité et d'avoir quitté le pouvoir pour les dire.
Vous n'avez pris position pour personne pendant la campagne pour la présidence de l'UMP. Aujourd'hui encore, vous êtes en retrait de la politique. Qu'est-ce qui pourrait vous faire revenir?
Nicolas Sarkozy. J'ai une dette à son égard.
Les réseaux sociaux en ont fait un « buzz », les médias leurs choux gras et les habituels
pacifistes qui voudraient que l’on affronte le mal absolu avec des brassées de fleurs (ou,
encore mieux, qu’on ne l’affronte pas du tout, dans la grande tradition munichoise…) s’en
sont émus. La guerre au Mali a donc généré son premier « scandale » : un légionnaire du 2ème
Régiment Etranger Parachutiste (2ème REP) a été photographié, il y a quelques jours,
arborant un foulard à tête de mort, inspiré par le jeu « Call of Duty » (et que tout un chacun
peut se procurer sur Amazon pour 9, 90 Euros). « Glaçant », « scandaleux », « inacceptable »
ont été les qualificatifs les plus modérés employés par les commentateurs.
Que ceux-ci soient confortablement installés dans leurs fauteuils à Paris ou dans de douillets
bureaux de l’état-major n’est sans doute qu’un détail mais on permettra de le souligner : il est
plus facile de juger du « politiquement correct » dans le calme de son bureau, un café (ou un
double whisky sec) à portée de la main que sur le terrain, à plusieurs milliers de kilomètres de
là, exposé aux balles et aux embuscades.
Donc cette image serait obscène et insupportable. Je ne le pense pas.
J’ai la faiblesse de croire que ce qui est obscène et insupportable, ce sont les images d’otages
exhibés comme des animaux à l’abattoir dont on se sert depuis des années pour faire fléchir
la volonté de ceux qui nous gouvernent. Ce qui est obscène et insupportable, ce sont ces
prisonniers du djihad que l’on égorge devant des caméras. Ce qui est obscène et
insupportable, c’est le sort affreux de « Denis Allex », ce militaire du Service Action de la
DGSE assassiné par ses geôliers somaliens après trois ans de détention, et aussi le cadavre de
ce combattant des forces spéciales tombé en tentant de le libérer et que l’on nous montre,
étalé sur une couverture au milieu de ses armes désormais (hélas) inutiles. Ce qui est obscène
et insupportable, ce sont les mains coupées, les femmes fouettées ou lapidées, les petites filles
interdites d’école, les hommes tués au nom de la sharia pour un regard, une poignée de main
ou un air de musique écouté en cachette. Ce qui est obscène et insupportable, ce sont les
dizaines d’expatriés assassinés par les terroristes à In Amenas il y a une semaine.
« L’affaire du foulard », elle, est une « non actualité ». Un « non incident ». Le photographe
qui a pris le cliché s’en est d’ailleurs expliqué : le légionnaire ne posait pas, ne provoquait pas.
Simplement, alors qu’un hélicoptère se posait, soulevant un nuage de poussière et de sable, il
a relevé son foulard pour se protéger. Certes, il aurait peut-être mieux valu que ce guerrier
arbore un foulard Hermès, mais bon, il est légionnaire et les légionnaires ont un folklore bien
à eux, un peu plus viril que la moyenne, disons. Et leur solde ne leur permet pas de se payer
des foulards Hermès. Alors, il s’est acheté celui de Call of Duty, pour 9,90 Euros. Certes,
certes, il y a sans doute un message : « En portant ce masque annonciateur de mort, ce
légionnaire, fidèle à la réputation de son corps, montrait sa détermination à tuer et sa
capacité à encaisser les chocs », comme l’écrit l’un de mes amis dans un papier plein
d’humour sur son remarquable blog1.
Un porte-parole de l’état-major a annoncé « une enquête » et des sanctions. On ose espérer
qu’il n’en sera rien. La Légion est une arme magnifique, dont les membres, quelles que soient
la couleur de leur peau, leur religion et leur nationalité d’origine, sont mille fois plus
« français » que ne le seront jamais beaucoup de ceux qui les critiquent : ils sont français par
la grâce d’un pacte aussi vieux que l’humanité, celui de la vie risquée et du sang versé pour le
drapeau et pour le pays.
Ce que la Légion fait au Mali, ce que l’armée française toute entière fait au Mali, c’est ce qui
aurait dû être fait depuis longtemps : défendre les populations locales contre les exactions
des bandes armées et combattre et éradiquer – oui, j’ai bien écrit « éradiquer » - le
terrorisme. Nos armées sont en première ligne (et, faut-il le rappeler, seules…) dans une
guerre qui nous a été imposée et qui est nécessaire.
C’est cela qui est important. Pas la couleur d’un foulard. Au Mali, la Légion fait la guerre. Elle
ne participe pas à un défilé de mode de la rive gauche…
Copyright© ESISC 2013
1 http://aboudjaffar.blog.lemonde.fr/2013/01/23/cest-pas-que-vous-me-genezmonsieur-
fernand-mais-je-ne-sais-pas-si-ca-va-bien-vous-plaire
Grenoble en 100 dates
aux Editions Sutton
en vente à la FNAC, Arthaud, Librairie université, etc
-Depuis le 12 mai -43 lancement d'un pont sur l'Isère par les Romains , à 1572 1ère carte de la ville , la rencontre de Laffrey , la troisième médaillle de JC Killy aux JO, les journées révolutionnaires de Vizille en 1788, la naissance de Stendhal,….
Ci-après le lien pour voir le film des actualités du journal de la rédaction de Grenoble.
JP Martin est l'invité de la rédaction, il présente son ouvrage. ( Démarrer la visualisation à partir de la dixième minute de l’enregistrement).
http://www.telegrenoble.net/emissions/cap-info/1/cap-info-5-fevrier-2013_xxb0a8.html
Le Commandement des opérations spéciales (COS), placé sous les ordres du chef d'état-major des armées (CEMA), rassemble l'ensemble des forces spéciales des différentes armées françaises sous une même autorité opérationnelle, permanente et interarmées. La nécessité d'une telle fédération est apparue après la participation française à la première guerre du Golfe et l'observation des exemples américain (USSOCOM) et britannique (UKSF). Le COS a été créé par l'arrêté du 24 juin 1992, qui précise ses missions : « planifier, coordonner et conduire les actions menées par les unités spécialement organisées, entraînées et équipées pour atteindre des objectifs militaires ou paramilitaires définis par le chef d'état-major des armées. » L'état-major du COS est situé depuis 2006 sur la base aérienne 107 de Villacoublay dans les Yvelines. En 1993, l'amiral Jacques Lanxade l'a autorisé à « développer des capacités de guerre psychologique ». Toutefois, et contrairement à l'USSOCOM, le COS ne comprend pas d'unités de guerre psychologique et d'actions civilo-militaires en son sein. Le COS représente un réservoir d'environ 3 400 hommes, auxquels s'ajoutent 300 réservistes. Son commandant est depuis le mois d'août 2011, le général Christophe Gomard
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> Superbes photos de l'opération Serval au Mali sur le lien ci-après :
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> http://www.flickr.com//photos/theatrum-belli/sets/72157632507552964/show/
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> Diaporama automatique assez long...
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